Exposée aux yeux de tous lorsqu’il a défendu l’honneur de son clan, sa bravoure a été acclamée par tous. Il s’est battu contre de redoutables ennemis de Boudalankru en protégeant les siens. Pour lui, se battre était un jeu. Il affrontait ses ennemis avec une facilité déroutante. Il semblait être né pour ça. Son sourire espiègle trahissait cependant une singulière immaturité. Sa lame était le prolongement de son bras ; elle fendait l’air, aussi fluide qu’un aigle en chasse. Sa lame savait anticiper les chocs. Malgré cette apparence fière et joviale qu’il entretenait,  il a eu peur de perdre son combat contre les ennemis de Boudalankru. D’autres guerrières et d’autres guerriers l’ont aidé, mais le dernier ennemi encore debout était pour lui. Leurs lames se sont entrechoquées ; celle de son ennemi est tombée. Avec souplesse et agilité, il a obligé son adversaire à s’incliner. Tous les habitants s’étaient attroupés pour assister à l’ultime assaut. Il ne pouvait déshonorer son clan. Il a égorgé son adversaire en jouissant pleinement de son exploit. On l’a couvert d’applaudissements. Ce jour-là, il n’a pas seulement été reconnu pour avoir défendu son clan, on a découvert qu’il avait le sang noir : un sang d’ébène. Ses blessures n’étaient pas recouvertes d’un sang rouge, mais d’un sang aussi obscur que son regard. Ouskejon kru aspirait à ce qu’il devienne le futur Heda, un commandant tout puissant. Il montra à tous que la gloire était son seul salut, sa seule détermination. Il s’entraînait parce que c’était ce qu’on attendait de lui. On l’honorait par des biens et par de la nourriture. Sans doute n’aurait-il pas été aussi choyé s’il n’avait pas été un Natblida.

À quinze ans, il était déjà un héros respecté. Il ne faisait pas seulement la fierté de ses parents, mais également la fierté des guerrières. Qu’il soit un homme ne semblait affecter personne. Les chefs voulaient seulement qu’il remporte le prochain Conclave.

De sa chair a jailli un torrent obscur. Le coup de la hache se voulait meurtrier, mais ne l’a pas été. Une nuit, il s’est réveillé en attendant distinctement le bruit de la cascade qui frappait le bassin d’eau. Sa sœur, de deux ans son aînée, lui a fait l’éloge de ses prouesses en accentuant gracieusement sur les points essentiels qui la poussaient à agir ainsi. Il ne méritait pas d’obtenir une place à Polis ; ses techniques étaient maladroites, désorganisées, et son espièglerie entraînerait sa perte bien avant qu’il ne puisse affronter son premier opposant. Les membres du clan étaient visiblement aveuglés par son charisme malicieux et sa victoire contre l’un des nombreux assauts de Boudalankru. Son immaturité ne caractérisait en rien la noblesse de leur clan. Pour plusieurs raisons, il devait mourir. L’arme de Nkosazana s’est enfoncée à la naissance de ses épaules et lui a broyé la clavicule. Voyait-il une pointe de tristesse dans son regard ou était-ce simplement le reflet de la lune qui brillait avec une intense lumière?

Le fer de lance, de son surnom, l’a enveloppé de ses bras. « Ne laisse pas la nuit t’évincer, ta noirceur est plus puissante que la sienne. » Dramear kom Yujleda a cueilli ce jeune Natblida au cœur de la forêt, à mi-chemin entre leur clan respectif. La blessure à son épaule était infectée. Il était à l’article de la mort. Dramear l’a pris sous son aile, l’a soigné, lui a sauvé la vie et lui a offert un foyer. Pendant un temps, le garçon a été caché. Une fois soigné, les habitants du clan ont imaginé que la magie de guérisseur de Dramear avait transformé le jeune homme en Natblida.

Cette épreuve ne l’a pas traumatisé. Il voudrait que sa route croise celle de Nkosazana. Il ne souhaite pas la tuer, il veut seulement comprendre pourquoi sa propre sœur a voulu le tuer.  Depuis la nuit de sa « mort », il ne cesse de repenser aux horribles choses qu’elle lui a dites. Cet incident de parcours à changer sa vie drastiquement. Il n’a jamais pu assister à son propre Conclave (celui où étaient Lexa et Luna.) Il doit réapprendre à manier un katana avec sa souplesse d’antan. Contrairement aux Natblidas de sa génération, son entraînement est défectueux. Dramear cherche cependant à lui inculquer d’autres savoirs.